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Alzheimer autrement… Entretien avec Catherine de Smet

Alzheimer autrement… Entretien avec Catherine de Smet

le 31 janvier 2023

Nous avons la joie de recevoir Catherine de Smet, fondatrice d’Alzheimer autrement, une structure destinée à accompagner les malades mais aussi leurs proches et le personnel soignant.

Pourriez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a menée à vous mettre au service de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer ?

Je suis psychopédagogue indépendante, spécialisée dans les domaines de la maladie d’Alzheimer. Il y a quelques années, je me suis tournée vers les seniors, notamment ceux concernés par la maladie d’Alzheimer, avec beaucoup de compassion. J’ai fait le constat qu’il existait peu de soutien pour les familles. J’ai proposé d’aider les personnes accompagnantes, les « aidants » qui sont en majorité des femmes. Elles sont souvent livrées à elles-mêmes. Lorsque je me suis rapprochée d’elles, je les ai senties seules, fatiguées, perdues, paniquées. Elles ne savaient pas comment faire, comment gérer le quotidien avec cette maladie.

Après des recherches, je me suis tournée vers l’association AG&D qui m’a formée. Cette association française a repris la méthode Senior Montessori, issue de celle de Maria Montessori. Il y a une quinzaine d’années, le psychologue américain Cameron Camp, qui s’occupait de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et dont les enfants fréquentaient un établissement Montessori, a eu l’idée d’adapter cette méthode aux personnes atteintes par cette maladie.

Cette approche consiste à remettre l’humain au centre, ne pas voir en lui seulement sa maladie, sa fragilité. C’est mettre en valeur ce dont il est capable, ce que l’on ne voit pas ou plus. Nous devons lui réapprendre à faire seul, le laisser faire seul. Cela va lui rendre sa dignité. Plus il va faire, plus il va conserver.

Il y a aussi cette découverte de Colette Roumanoff, la maman d’Anne Roumanoff, dont le mari, Daniel, a été atteint par Alzheimer. Ils ont eu du mal à gérer la maladie. Colette a pris les choses en main. Par des anecdotes, avec son regard subtil de réalisatrice de pièces de théâtre, elle a décodé la maladie et l’a rendue abordable. Son premier livre, au titre exceptionnel, s’appelle Le bonheur, plus fort que l’oubli. Je me suis dit que nous avions une vision commune et qu’il fallait que je marche dans ses pas. J’ai pu la rencontrer lors de sa tournée pour sa pièce La confusionnite et mieux comprendre ce qu’ils avaient vécu.

À la lumière de ces enseignements, j’ai créé Alzheimer autrement pour parler autrement de cette maladie mais aussi des personnes concernées, pour transmettre ces approches : Montessori, Roumanoff… aux aidants, et ainsi les soutenir. Il y a aussi la méthode Finger que je trouve très intéressante !

Je propose des accompagnements sur mesure à domicile. L’idée est de démystifier, d’apaiser, d’apporter cette méthode chez le malade. Il faut se rendre compte que les familles passent par le chaos lors de l’annonce de cette maladie. Il leur manque un vrai soutien. Je veux leur proposer des solutions concrètes : comment mieux communiquer, comment éviter l’incompréhension, comment autonomiser, mais aussi comment mettre de la joie.

Je travaille aussi dans Les Jardins de Scailmont, qui pourrait être un EHPAD mais que j’appellerai une maison de vie. Lorsque l’on y rentre, il y a quelque chose de différent. Ils utilisent Montessori, mais aussi une méthode basée sur le regard, le toucher : l’Humanitude, ainsi qu’un système d’organisation des maisons de repos d’origine Finlandaise : Tubbe. J’y travaille avec une équipe extraordinaire de bienveillance et d’engagement.

Vous nous avez parlé de la méthode Finger, pouvez-vous nous en dire plus ?

Accompagnatrice dans le domaine de la santé, je veux proposer des formations destinées aux professionnels (aides-soignants, infirmiers, ergothérapeutes, responsables de services), en m’appuyant sur la méthode Finger. Cette méthode vient elle aussi de Finlande, elle a été conçue à la suite d’une étude clinique universitaire. Dans un public à risque, qui n’avait pas de symptômes mais qui était « susceptible de », la population a été scindée en deux. Le premier groupe n’a pas été stimulé, contrairement à l’autre à qui l’on a proposé ce qui est préconisé dans cette méthode. Elle comporte cinq points, à l’image des cinq doigts de la main. Elle conseille une alimentation équilibrée, plutôt méditerranéenne ; bouger simplement, doucement (une petite promenade qui apaise, de la danse…) ; être entouré (c’est excellent pour le moral), stimulé (lire, parler, s’intéresser…) ; enfin, gérer son stress (méditation, yoga, se confier…).

Les résultats ont permis de constater que l’avancée de la maladie avait été réduite d’un tiers dans le groupe stimulé. Cela fonctionne pour Alzheimer, mais aussi pour toute maladie liée au cerveau, Parkinson par exemple.

Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement d’Alzheimer autrement ?

La personne qui me contacte est souvent « l’aidant ». C’est l’enfant, le conjoint, une voisine… Je constate la situation du malade mais aussi de l’aidant. Je prends du temps, je crée du lien parce qu’il faut s’adapter à eux, comprendre ce qui ne va pas et constater ce qui va. Je programme un minimum de quatre rendez-vous pour les accompagner concrètement dans leurs besoins. Je prends du temps et… je leur demande du temps.

À partir de février, je vais proposer des ateliers de deux heures, dans des endroits conviviaux où les personnes se sentiront accueillies. Il faut que les aidants se sentent pris en considération. Je vais aborder des sujets, je vais écouter leurs interrogations et leurs propositions, parce que ce sont eux qui « vivent avec ». Je veux les valoriser, ils ont beaucoup à dire. Mais ils ne mesurent souvent pas l’ampleur que va prendre cette maladie. Il faut qu’ils en aient conscience pour qu’ils comprennent la nécessité d’appliquer ces méthodes en prévention.

Quels pourraient être les moyens à mettre en place pour que des personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer puisse rester au sein d’une Maison d’Alliance ?

Je pense que dans un premier temps, il faut mettre l’humain au centre de la relation et lui donner de l’autonomie au travail, en famille…

Je voudrai évoquer l’Humanitude qui est une pédagogie française complémentaire à Montessori. Elle propose aux seniors de rester debout, de leur parler et de les toucher avec douceur. Ainsi, on ne réveille pas une personne en allumant vivement la lumière et en lui parlant fort. Particulièrement chez ces personnes perdues dans le temps, où la notion de jour et de nuit est compliquée. Le personnel s’adapte à chacun. L’un voudrait se réveiller plus tard, l’autre se débrouiller seul, un troisième n’aime pas se laver le matin, etc. On laisse le choix, on demande toujours l’avis parce qu’aucune personne n’a les mêmes besoins. Il faut juste que ce soit fait au cours de la journée.

Pour aider les personnes à continuer à aller bien, on peut leur proposer de rendre service à la communauté en mettant leurs talents à la disposition des autres, comme le préconise Senior Montessori. Dans les EHPAD, on ne laisse plus rien faire aux seniors, qu’ils soient malades ou non. Vous restez assis, on vous fait votre tartine, on vous fait manger. Vous finissez par ne plus avoir d’estime pour vous-même, vous perdez vos capacités et vous finissez par ne plus savoir faire les choses. Avec Alzheimer, cela se gomme encore plus vite. Avec cette pédagogie, tous les prétextes sont trouvés pour demander de l’aide aux seniors. Si on leur demande de rendre service, la plupart du temps, ils vont dire oui. Surtout si vous leur demandez d’effectuer quelque chose qu’ils savent faire, qu’ils aiment faire. Ils sont mis en valeur par ce savoir. On les sollicite, on les remet en scène avec beaucoup de tendresse, de délicatesse. Le sentiment de communauté est partagé et, comme dans Le Petit Prince, ils seront importants les uns pour les autres.

Ainsi, on peut aider la maladie à s’installer moins vite.

Votre petit mot de conclusion ?

Cela fait une dizaine d’années que les neurologues, la presse, les médias disent que la maladie d’Alzheimer est ingérable, on reparle de démence et la seule solution proposée reste médicamenteuse. Il faut changer le regard porté sur les malades, il faut leur redonner leur dignité.

A retrouver plusieurs liens pour approfondir certains sujets :- La Méthode Montessori adaptée – AG&D (ag-d.fr)- L'Étude Finger - Bien vivre avec Alzheimer - Senior Montessori - L'approche de l'humanitude

Propos recueillis par Sibylle Goudard

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